Le quadrille créole et le séga : une fusion musicale dans l’océan Indien
- A.M.O.
- il y a 3 jours
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À partir du XVIIIe siècle, les grandes traversées maritimes entre l’Europe et les colonies de l’océan Indien transportent bien plus que des hommes et des marchandises. À bord des vaisseaux de ligne, ce sont aussi les goûts, les habitudes culturelles et les expressions artistiques européennes qui voyagent. Officiers nobles, colons, missionnaires ou marins deviennent les vecteurs d’un répertoire musical et chorégraphique raffiné, héritier des salons de la cour et des campagnes françaises. C’est ainsi que le quadrille, danse de société en vogue dans l’Europe post-révolutionnaire, fait son entrée dans les îles comme La Réunion, Maurice, Rodrigues ou encore Les Seychelles.
Avec lui arrivent également les instruments de musique associés aux bals européens : mandoline, violon, piano, accordéon diatonique, banjo, bientôt rejoints par des percussions locales. D’abord réservé aux élites coloniales, le quadrille est interprété dans les salons créoles par des musiciens parfois formés sur le tas ou issus de castes serviles, appelés jouars ou ménétriers. Ces derniers, au fil du temps, s’approprient cette danse en y mêlant leurs propres rythmes, gestes et instruments.
Ce processus d’appropriation et de métissage donne naissance à une forme musicale hybride, à la fois structurée par les figures du quadrille et habitée par l’énergie des musiques afro-malgaches. Cette fusion donne lieu à une créolisation du quadrille, d’abord perceptible dans les bals de la petite bourgeoisie, avant de se répandre dans les fêtes populaires rurales.
C’est ainsi que le séga entre en dialogue avec les formes européennes, produisant des expressions culturelles nouvelles, vivantes, à l’image des sociétés métissées de l’océan Indien. Le quadrille créole devient un terrain fertile d’expérimentation et de résistance, où les corps dansent autant la mémoire que l’avenir.
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